Là où les enfants dorment, de Magnus Wennman

La guerre en Syrie dure depuis près de cinq ans maintenant et plus de deux millions d’enfants la fuient. Ils y ont laissé leurs amis, leur maison et leur lit. Quelques enfants ont accepté de montrer les endroits où ils dorment désormais et lorsque le photographe suédois Magnus Wennman a commencé à prendre ces photos, il a réalisé qu’un nombre important d’entre eux allaient se coucher la peur au ventre. « Je fus marqué de voir ces enfants là-bas » dit-il, « ils sont tellement innocent ». Il comprend qu’il est difficile pour les étrangers de se soucier d’un conflit à la fois compliqué et qui dure depuis tant d’années. « Mais il n’y a rien de compliqué à comprendre que les enfants ont besoin d’un endroit sûr pour dormir » conclut-il.
Toute l’interview (en anglais) : CNN & Aftonbladet.se – Photographe : Magnus Wennman
Abdullah, 5 ans
BELGRADE, Serbie. Abdullah a une maladie du sang. Ces deux derniers jours, il a dormi dehors, à côté de la gare de Belgrade. Il a vu sa sœur mourir dans leur maison à Garaa. « Il est encore sous le choc et continue à faire des cauchemars », nous dit sa mère. Il est fatigué et sa santé est préoccupante, mais sa mère n’a pas d’argent pour pouvoir acheter des médicaments et le soigner.
Ahmed, 6 ans
HORGOS, Serbie. Il est déjà minuit passé lorsque Ahmed s’endort dans l’herbe. Les adultes eux ne dorment pas encore, ils sont assis non loin de l’enfant, discutant d’un plan pour pouvoir quitter le pays sans devoir s’enregistrer auprès des autorités locales. Ahmed a six ans et porte lui-même son lourd bagage pendant le long périple qu’ils effectuent à pieds. « Il est très courageux et ne pleure que parfois à la tombée du soir » dit son oncle qui prend soin de lui depuis que son père fut tué dans leur village au nord de la Syrie.
Amir, 20 mois
ZAHLE FAYDA, Liban. Amir, 20 mois, est né réfugié. Sa mère croit que son fils a subi un traumatisme dans l’utérus. “Amir n’a jamais prononcé un seul mot” dit Shahana, 32 ans. Dans la tente en plastique où vit maintenant cette famille, Amir n’a aucun jouet, mais il joue avec tout ce qu’il trouve par terre. « Il rit beaucoup, même s’il ne parle pas » nous dit sa mère.
Fara, 2 ans
AZRAQ, Jordanie. Fara, 2 ans, aime le football. Son père tente de faire un ballon avec tout ce qu’il arrive à trouver, mais ils ne durent jamais longtemps. Tous les soirs, il va souhaiter une bonne nuit à elle et sa grande sœur Tisam âgée de 9 ans, tout en espérant pouvoir trouver un vrai ballon le lendemain. Tous les autres rêves semblent être hors de sa portée, mais il ne renonce pas à celui-ci.
Fatima, 9 ans
NORBERG, Suède. Tous les soirs, Fatima rêve qu’elle tombe d’un bateau. Avec sa mère, Malaki, et ses deux frère et sœur, Fatima a fui la ville d’Idlib lorsque de manière insensée l’armée nationale syrienne a abattu des civils. Après deux ans dans un camp de réfugiés au Liban, la situation est devenue insupportable et ils ont alors fuit vers la Libye où ils sont montés à bord d’un bateau surpeuplé. Sur le pont du bateau, une femme enceinte a donné naissance à son bébé après douze heures sous un soleil brûlant. Le bébé était mort-né et a été jeté par-dessus bord. Fatima a tout vu. Lorsque le bateau de réfugiés a commencé à prendre l’eau, ils ont été sauvés par les garde-côtes italiens.
Gulistan, 6 ans
SURUC, Turquie. Il y a une différence entre fermer les yeux et dormir, comme Gulistan, 6 ans, le sait bien. Elle préfère fermer les yeux et faire semblant, parce que chaque fois qu’elle s’endort pour de bon, les cauchemars commencent. « Je ne veux pas dormir ici, je veux dormir à la maison » dit-elle. Le coussin sur lequel elle dormait à Kobane lui manque. Parfois, elle s’installe contre sa mère et l’utilise comme un coussin.
Lamar, 5 ans
Horgos, Serbie. Les poupées, le train miniature et le ballon de foot sont restés chez eux à Baghdâd ; Lamar évoque souvent ses jouets lorsqu’ils parlent de leur maison. Mais la bombe a tout changé. La famille était sur le chemin pour acheter de la nourriture quand elle est tombée près de leur maison. Détruite, il ne leur a plus été possible d’y vivre, dit Sara, la grand-mère de Lamar. Après avoir tenté par deux fois de traverser la mer depuis la Turquie dans un petit bateau en pneumatique, ils ont réussi à atteindre la frontière fermée de la Hongrie. Maintenant Lamar dort sur une couverture dans la forêt, effrayé, congelés, et triste.
Mahdi, 18 mois
Horgos/Roszke, Hongrie. Mahdi a un an et demi. Il n’a connu que la guerre et les combats. Il dort profondément, malgré les centaines de réfugiés s’activant autour de lui. Ils protestent car ils ne peuvent pas voyager plus loin à travers la Hongrie. De l’autre côté de la frontière, des centaines de policiers sont debout. Les ordres, qu’ils ont reçus directement du premier ministre Viktor Orbán, sont protéger la frontière à tout prix. La situation est de plus en plus désespérée et le lendemain où cette photo fut prise, la police utilisait des gaz lacrymogènes et des canons à eau sur les réfugiés.
Ralia, 7 ans, et Rahaf, 13 ans
Beyrouth, Liban. Ralia, 7ans, et Rahaf, 13, vivent dans les rues de Beyrouth. Elles sont de Damas, où une grenade a tué leur mère et leur frère. Avec leur père, ils dorment dans la rue depuis plus d’un an. Elles se blottissent l’une contre les autres sur leur lit de carton. Rahaf dit qu’elle a peur de « mauvais garçons », et Ralia se met alors à pleurer.
Sham, 1 an
Roszke/Horgos, Hongrie. Juste à côté de la porte en fer de 4 mètres de haut délimitant la frontière entre la Serbie et la Hongrie, Sham se repose dans les bras de sa mère. Juste quelques décimètres Derrière eux se trouve l’Europe qu’ils essayent si désespérément d’atteindre. Le jour d’avant, les derniers réfugiés ont été autorisés à passer et prendre le train pour l’Autriche. Mais Sham et sa mère sont arrivés trop tard, avec des milliers d’autres réfugiés qui attendent maintenant à l’extérieur de la frontière hongroise désormais fermée.
Shehd, 7 ans
Shehd aime dessiner, mais récemment, tous ses dessins ont le même thème: les armes. « Elle les voyait tout le temps, ils sont partout » explique sa mère alors que la petite fille dort sur le sol à côté de la frontière fermée de la Hongrie. Maintenant, elle ne dessine plus du tout. La famille n’a emporté ni papier ni crayons avec eux. Shehd ne joue plus non plus. Cette fuite a forcé les enfants à devenir des adultes et à se soucier de ce qui se passera dans une heure ou un jour. La famille a eu du mal à trouver de la nourriture pendant leur périple. Certains jours, ils trouvaient des pommes sur les arbres le long de la route. Si la famille avait su à quel point ce voyage serait dur, ils auraient choisi de risquer leur vie en Syrie.
Shiraz, 9 ans
SURUC, Turquie. Shiraz, 9 ans, était âgé de trois mois quand elle a été frappée d’une forte fièvre. Le médecin a diagnostiqué la polio et a conseillé à ses parents de ne pas dépenser trop d’argent en médicaments pour leur fille qui « n’a pas la moindre chance. » Puis la guerre est arrivée. Sa mère, Leila, se met à pleurer quand elle explique comment elle a enveloppé la jeune fille dans une couverture puis l’emmena de la frontière de Kobane jusqu’en Turquie. Shiraz, qui ne peut pas parler, a reçu un berceau en bois dans le camp de réfugiés. Elle est dedans. Jour et nuit.
Tamam, 5 ans
AZRAQ, Jordanie. Tamam, qui a cinq ans et demi, a peur de son oreiller. Elle pleure tous les soirs lorsqu’arrive l’heure d’aller se coucher. Les raids aériens sur sa ville natale de Homs ont généralement lieu la nuit, et même si elle dort loin de la maison depuis près de deux ans maintenant, elle ne réalise pas encore que son oreiller n’est pas une source de danger.
Walaa, 5 ans
BAR-ELIAS, Liban. Walaa, 5 ans, veut rentrer à la maison. Elle avait sa propre chambre à Alep, nous dit-elle. Là, elle n’avait jamais pleuré au moment d’aller se coucher. Ici, dans le camp de réfugiés, elle pleure tous les soirs. Poser sa tête sur l’oreiller est horrible, dit-elle, parce que la nuit est horrible. Ce fut lorsque les attaques ont eu lieu. En journée, la mère de Walaa construit souvent une petite maison sur les oreillers, pour lui montrer qu’elle n’a rien à craindre.
D’autres photos : CNN & Aftonbladet.se – Photographe : Magnus Wennman

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